Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/283

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partir en tournée d’inspection ; alors, pour m’effrayer, il inventait chaque fois de nouvelles histoires. Une fois, sur son ordre, son ordonnance me jura qu’il existait une loi d’après laquelle Ossip Vassiliévitch avait le droit, aussitôt les troupes en campagne, de me fusiller sans jugement. Je me souviens très bien qu’il appelait cette loi stupide : le règlement militaire. Bien entendu je n’y croyais pas ; mais convenez, Paul, que c’est outrageant.

— Je l’avoue ; mais je vous jure, Maria Pétrovna, que je ne serai jamais jaloux, même si je vous trouvais en tête à tête avec Kola Kounichev, que vous aimez tant !

— Voilà encore un ingrat. C’est vrai que je l’aimais beaucoup, et comme il m’en a remercié ! Il y a une éternité que je ne l’ai vu, et, au jour de l’an, il s’est contenté de me déposer sa carte. Jamais les hommes ne savent apprécier un sentiment pur : tous ont des instincts grossiers et le désir d’étaler leur force brutale. Au fond, Nicolas a tout à fait le caractère de son oncle. Ossip Vassiliévitch était tout à fait comme lui, tout à fait.

— Mais vous n’avez pas remarqué chez moi de sentiments aussi grossiers, dites-moi.

Maria Pétrovna me regarda attentivement :