Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/287

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recommandation de Lydia. « Épousez ma tante, faites-le pour moi », m’avait dit la naïve enfant, et comme elle a l’habitude de me faire faire ses commissions, elle m’a envoyé chez sa tante, et moi qui cède à tous ses caprices, j’y suis allé. Et la tante eut peut-être accédé à cette demande, si je n’avais tout gâté en évoquant à son imagination Ossip Vassiliévitch avec sa pipe, ses fausses dents, et ses instincts grossiers. Mais cependant, si Maria Pétrovna m’a refusé, qui m’épousera ? Me voilà célibataire à jamais, et forcé de passer dans l’amère solitude les jours que m’accordera la fortune. Il y a des personnes qui s’accommodent de la solitude et y trouvent même de la joie ; mais ces personnes s’aiment trop elles-mêmes, et moi je ne puis m’aimer, parce que j’ai de moi-même une très médiocre opinion. Et pourtant comment vivre sans personne à aimer, sans savoir en quoi espérer ? Dans mon journal de Dresde j’ai écrit autrefois cette pensée : « Tout homme, à défaut du bonheur personnel, peut trouver la consolation dans l’amour de l’humanité. » Maintenant je pense un peu autrement. De toutes les phrases par lesquelles se consolent les hommes, il n’en est pas de plus idiotes et de plus fausses que celles qui ont trait à