Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/295

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résultat, c’est que la plupart sont déjà dans la tombe. Eh bien ! le temps est venu pour moi d’aller les rejoindre ; mais je voudrais mourir en pleine connaissance, je voudrais savoir que je meurs et, une dernière fois, m’observer attentivement. Ce désir sera-t-il réalisé ? c’est douteux. Peut-être mourrai-je au moment où l’on essaiera de me convaincre que je suis tout à fait guéri. Pourquoi cette misérable comédie, pourquoi ce dernier et inutile mensonge ?

Évidemment je touche à la fin ; ma tête est encore assez solide, mais les forces s’en vont de jour en jour, et les souffrances, la nuit surtout, sont insupportables. À peine suis-je assis à ma table que déjà ma main a de la peine à tenir la plume. Ce matin, Maria Pétrovna m’a conseillé de me faire administrer, et Féodor Féodorovitch me propose pour demain une consultation de médecins. Naturellement j’ai dit oui à tout. L’une et l’autre m’affirment que je suis hors de danger et qu’ils ne font leurs propositions que pour me tranquilliser. Après leur départ on m’a remis quelques cartes de visite. Sur l’une j’ai lu : Comtesse H.-P. Zavolskaïa. Cette carte à elle seule est mon arrêt de mort : Hélène Pavlovna ne viendrait pas chez moi s’il restait le