Page:Aristophane, trad. Talbot, 1897, tome 1.djvu/155

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langue des plus honteux plaisirs, léchant la hideuse rosée des lupanars, souillant sa barbe, caressant les pustules, versifiant à la façon de Polymnestos, et vivant avec Œnikhos. Quiconque ne prendra pas cet homme en horreur, ne boira jamais dans la même coupe que nous.

Souvent, durant la nuit, je me suis pris à réfléchir, et je me suis demandé alors pourquoi Kléônymos mange si gloutonnement. On dit que, quand il se repaît aux dépens des gens riches, il ne sort plus de la huche. Ils en arrivent à le supplier : « Allez-vous-en, seigneur, nous embrassons vos genoux ; entrez et ménagez notre table. »

On dit que les trières se sont formées en Conseil, et que l’une d’elles, la plus âgée, a dit aux autres : « N’avez-vous pas entendu, mes sœurs, ce qui se passe dans la ville ? On dit qu’on demande cent de nous contre la Khalkèdonia : c’est ce mauvais citoyen, l’aigre Hyperbolos. » Cette proposition leur paraît affreuse, intolérable. L’une d’elles, qui n’a pas encore eu commerce avec les hommes : « Nous préserve le ciel ! dit-elle. Jamais il ne sera mon pilote, ou, s’il le faut, que je sois rongée par les vers et que je vieillisse au port ! Non, Nauphantè, fille de Nauson, j’en atteste les dieux, aussi vrai que je suis faite de planches de pin et charpentée de bois, si ce projet agrée aux Athéniens, je suis d’avis d’aller stationner au Thèséion, ou devant le temple des Vénérables Déesses. Ainsi nous ne le verrions pas devenir notre stratège et insulter notre ville : qu’il navigue seul du côté des corbeaux, s’il veut, et que les chaloupes, où il vendait des lanternes, le portent à la mer ! »