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tant les historiens, a pu traverser les Alpes avec une armée de 200,000 Africains et des éléphants. Je l’aurais bien défié de faire à lui seul une romance, pour nos charmantes petites perruches de Paris.

— Très bien dit.

— La romance ! Ah ! monsieur ! Grand moyen de civilisation. Il faut qu’elle caresse doucement l’oreille, qu’elle fasse tendrement battre le cœur et qu’elle contribue à faire adorer la vie aux petites filles et aux jeunes femmes. De là une nécessité de savoir faire un bon triage de la matière, et c’est là la part du génie. Cherchez ! point de romance sans amour. Point de romance sans lever du soleil ou sans clair de lune. Point de romance sans étoile du soir. Point de romance sans le bruit du vent dans la feuille des arbres. Point de romance sans larmes, ni baisers. La romance, c’est l’adoration de toute la nature ; c’est la philosophie du panthéiste Spinosa.

— D’accord, cher monsieur Masini.

— La romance ! Eh ! sacrebleu, c’est le lien social par excellence. Jetez un peu les yeux autour de nous. Rien que dans notre pays, que serait la vie intime sans elle ? Supprimez la romance et il y aura, chez nous, 1,500,000 jeunes vierges au bas mot qui se dessécheront d’ennui comme des fleurs pendant un été sans pluie.

— Cela se pourrait bien.

— Mais, d’abord, si nous reprenons la thèse au point de vue de l’art, nous voyons que la ro-