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pas assez pour développer un génie observateur. « Les voyages de Palissy, dit M. Camille Duplessy[1] furent pour lui une sorte d’émancipation. En changeant continuellement de régions, il s’arrachait involontairement sans doute, mais du moins utilement, au joug de l’école ; et nul doute que, s’il se fût établi à poste fixe dans quelque ville, il eût payé bientôt le tribut de sa présence à quelque succursale de l’alchimie ou de la scolastique. Une fois engagé dans ces entraves, qui sait s’il en fût jamais sorti. » En voyageant, il visitait les laboratoires des chimistes et les cabinets des savants. Dans son traité des Métaux, il nomme plusieurs doctes gens qui lui montrèrent des objets curieux d’histoire naturelle. La divergence qu’il remarqua dans leurs doctrines philosophiques, leurs théories scientifiques, leurs systèmes, ne contribua pas peu, sans doute, à lui inspirer cette défiance baconienne, ce doute cartésien qui ne s’en remet qu’à l’expérience et n’ajoute foi qu’à l’évidence. Ce scepticisme provisoire et inquiet, admirable méthode dont se sont servis avec tant d’avantages pour découvrir la vérité, Bacon dans les sciences naturelles, Descartes dans la philosophie, et qui est bien différent du doute tranquille et satisfait de Montaigne, fut le point de départ de Bernard Palissy pour ses étonnantes découvertes en géologie et en physique. C’est par là qu’il fut le véritable prédécesseur de Bacon et de Descartes. Aussi peut-on affirmer que, si les voyages n’ont pas créé Palissy, ils l’ont

  1. Etudes sur la vie et les travaux de Bernard Palissy, page 440 du Recueil des travaux de la Société d’agriculture d’Agen, t. VII.