Page:Audiat - Un poète abbé, Jacques Delille, 1738-1813.djvu/33

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Delille en revanche, comme tout le XVIIe siècle, avec Fénelon, avec La Bruyère, avec Boileau, n’a rien compris au Moyen Âge et il le juge en contemporain de Voltaire, en ami des encyclopédistes : « C’était très curieux à voir cette ville (Malte), son superbe port, ses grandes murailles blanches qui en huit jours auraient achevé de m’aveugler… J’étais plus curieux encore de connaître ses mœurs et sa constitution bizarre où, grâce aux commanderies que distribue le grand maître, l’esprit militaire se perd dans l’esprit d’intrigue, où la politesse de la chevalerie moderne conserve en partie la barbarie monacale. » Ici une appréciation très rigoureuse et si fausse qu’elle excite les protestations indignées. Le bailli de Freslon, colonel du régiment de Naples, dans une lettre du 27 mai 1785, entreprit de venger l’Ordre dont le voyageur avait parlé si légèrement. Delille n’était pas brave, nous l’avons vu. Dans une réponse datée du lazaret de Marseille, le 20 septembre, il désavouait — et peut-être disait-il vrai — les calomnies qu’on lui prêtait. « Il est bien étrange qu’on veuille me rendre responsable de ce qu’on a pu insérer dans une lettre sans signature et sans aveu et falsifiée autant de fois qu’elle a été copiée. La boule de neige poussée par des polissons, de même qu’elle roule, se grossit et se salit ; voilà sans doute le sort de cette lettre dont il a couru dans le monde tant de copies plus ou moins fidèles. Celle où on dit que votre Ordre est la seule école d’héroïsme qui existe dans le monde, où l’on voit l’esprit de politesse, de loyauté, d’hospitalité qui distingue des chevaliers, ces copies-là je les avoue avec plaisir ; celles où l’on se permet des observations ou trop libres ou même injurieuses, je les désavoue absolument. »

Tout mauvais cas est niable. Et l’éditeur Grimm, qui a publié )a lettre à Mme Devaine, déclare, p. 436, que la lettre « a été faite sur l’original et n’en est pas moins reniable ». Il nous paraît difficile que ce lettré, si timoré, si délicat, se soit servi des termes grossiers du texte imprimé ; d’ailleurs, beaucoup des passages de la lettre de rétractation ne se trouvent pas dans la première lettre. Il y a donc eu falsification.

En quittant Athènes, le canot qui portait l’ambassadeur fut pour-