Page:Audiat - Un poète abbé, Jacques Delille, 1738-1813.djvu/36

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sans qu’un seul jour elle ait démenti la noblesse du nom confié à son honneur. Mais, je l’avoue, elle avait les inconvénients de ses qualités, une franchise indomptable surtout qui lui a valu la plupart de ses ennemis ; l’ingratitude a fait les autres. » Sainte-Beuve ajoute qu’il a eu par sa correspondante communication d’un manuscrit dont il a tenu compte pour la réimpression de son article. Il renferme plus d’une particularité naïve et piquante qui s’en pourrait extraire, notamment d’abondants détails sur l’enfance de Delille, sur sa mère qui se nommait Marie-Hiéronyme Bérard de Chazelles… Dans une autre édition complète de Delille, on aurait à profiter de ce manuscrit qui nous apprend aussi quelque chose sur sa veuve. « Sans y rien trouver qui réfute directement des traits semés, dans cet article, nous avons pu y voir les marques d’une nature franche, dévouée, sincère et il nous a paru très concevable en effet que ceux qui ont connu Mme Delille l’aient jugée autrement que le monde, les indifférents ou les simples amis littéraires du poète.[1] »

Delille amoureux a plus d’une fois parlé de sa maîtresse et de sa femme ; dans l’Imagination (Paris, Gicquel, 1806, livre 1er) il vante une célèbre marchande de modes et adresse un petit madrigal à Mlle Marie-Jeanne Vaudchamp :


Aussi dans un amas de tissus précieux,
Quand Bertin fait briller son goût industrieux,
L’étoffe obéissante en cent formes se joue,
Se développe en schall, en ceinture se noue ;
Donne un voile à l’amour, une écharpe à la gloire
Ou, plus ambitieux en son brillant essor,
Sur l’aimable Vaudchamp va s’embellir encor


Ailleurs il lui dit (1803).

  1. Sainte-Beuve. — Portraits littéraire, t. II, page 104. Nous avons cherché en vain le manuscrit dont parle le critique. Qu’est-il devenu ? quelque autre sera plus heureux. On jugera alors définitivement ce point d’histoire littéraire et biographique. L’auteur ajoute : « On peut voir, dans les Notes et sonnets qui font suite aux Pensées d’Août, un sonnet adressé à M. Molé en remerciement d’un bienfait, d’un secours qu’il accorda, sur notre information, à la sœur de Mme Delille, qui vivait encore à cette date, dans un état de gêne, voisin de la misère. »