Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/13

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— Quel baragouin !

Le patron était le premier à rire de ses emportements, et comme pour s’en excuser, il disait :

— Je suis vif.

Et il ajoutait parfois avec un peu de fierté :

— Moi, je suis des Pyrénées.

C’était lui qui brodait à la machine les manteaux et les robes des clientes. Il était adroit et méticuleux, mais après quelques heures de travail il devenait tout jaune et paraissait écrasé de fatigue.

Sa femme le touchait à l’épaule en lui disant :

— Repose-toi, va.

Il arrêtait alors sa lourde machine, puis il reculait son tabouret, afin de s’appuyer au mur ; et il restait de longs moments sans remuer ni parler.

Il y avait entre les patrons et les ouvrières comme une association amicale. Mme  Dalignac ne craignait pas de demander des conseils dans l’atelier, et les ouvrières lui accordaient toute leur confiance.

Quant au patron, s’il criait à tue-tête pour nous donner la moindre explication, il parlait tout autrement à sa femme. Il prenait son avis pour les plus petites choses et ne la contrariait jamais.

Mme  Dalignac était un peu plus âgée que son mari. Cela se voyait à ses cheveux qui grisonnaient aux tempes ; mais son visage restait très jeune et son rire était frais comme celui d’une petite fille.