Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/104

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était cent fois plus hors de lui qu’un boiteux qui cherche à tâtons sa route, dans les ténèbres d’un donjon, sans même savoir où est la porte.

Les jours s’écoulèrent l’un après l’autre, les semaines même se succédaient. — Tantôt il se nourrissait de choux palmistes, tantôt de grenouilles et de lézards, et de tout ce qui lui tombait sous la main. Cependant il devint si maigre, qu’à peine pouvait-il se traîner.

D’après son estime il en était au quarantième jour, lorsque enfin il atteignit les bords de la rivière, avec ses habits en lambeaux, sa hache, autrefois si brillante, rongée par la rouille, sa figure hérissée d’une barbe sale, les cheveux en désordre, et toute sa personne misérable et décharnée, ayant l’air d’un squelette recouvert de parchemin. Incapable de faire un pas de plus, il se laissa tomber pour mourir. Parmi les songes confus de son imagination fiévreuse, il lui sembla entendre un bruit de rames, là-bas, bien loin, sur les eaux silencieuses. Il écouta… Mais les sons évanouis moururent dans son oreille ; ce n’était en effet qu’un songe, la dernière lueur d’un espoir expirant. Et maintenant, pour toujours, le flambeau de la vie allait s’éteindre ! Mais voilà qu’un nouveau bruit de rames l’arrache à sa léthargie ; il écoute si avidement, que le bruit d’une mouche n’échapperait point à son oreille. — Oui, c’est bien le battement mesuré des rames ! Quelle joie pour le pauvre abandonné ! Le son des voix humaines lui fait bondir le cœur et réveille les pulsations tumultueuses de la vie et de l’espérance qui renaissent. — L’œil de Dieu l’avait vu, le malheu-