Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/124

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côtoyer la rive pendant quelque temps, et nous parvînmes à gagner le bord opposé au vent. Là nous lâchâmes nos chevaux, et jamais plus nous ne les avons revus. Parmi les joncs, à fleur d’eau, nous nous plongeâmes, en restant couchés à plat, pour attendre la seule chance qui nous restât encore de n’être ni rôtis ni dévorés. L’eau nous rafraîchit, et nous sentîmes un peu de bien-être.

L’incendie s’avançait toujours, terrible et avec d’affreux craquements. Non, jamais on ne verra rien de pareil ! Les cieux eux-mêmes semblaient partager notre terreur, car au-dessus de nous, tout était rouge et embrasé, au milieu de nuages de fumée roulés et balayés par le vent. Nos corps étaient assez au frais, mais la tête nous brûlait, et l’enfant, qui semblait maintenant comprendre la position, criait à nous fendre le cœur.

Le jour se passa, et nous avions faim ! De nombreuses bêtes sauvages vinrent se plonger dans l’eau tout auprès de nous ; d’autres nageaient de notre côté, et puis demeuraient tranquilles. Fatigué, n’en pouvant plus, je parvins pourtant à tuer un porc-épic, dont la chair nous fut, à tous les trois, d’un grand secours. La nuit se passa, je ne sais pas comment ! Le sol n’était plus qu’un vaste foyer, et les arbres encore debout semblaient d’immenses piliers de feu, ou tombaient en s’accrochant les uns sur les autres. La même fumée puante nous suffoquait toujours, les flammèches et la cendre continuaient à pleuvoir autour de nous. Comment nous nous tirâmes de cette nuit-là, je ne puis réellement vous le dire ; je ne m’en rappelle presque