Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/164

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Je redemandai ma montre à la vieille femme, la remontai et, sous prétexte de regarder quel temps il pourrait faire le lendemain matin, je pris mon fusil et sortis de la cabane. Je glissai une balle dans chaque canon, donnai un coup à mes pierres pour les mettre en état, renouvelai mes amorces, puis je rentrai en disant que le temps me semblait avoir belle apparence. Alors je pris quelques peaux d’ours et m’en fis un tapis sur lequel je me couchai, ayant eu soin d’appeler à mes côtés mon chien fidèle et de placer mon fusil sous ma main. Quelques minutes après, je paraissais plongé dans un profond sommeil.

Il ne s’était écoulé que très peu de temps, lorsque le bruit de plusieurs voix se fit entendre, et, du coin de l’œil, je vis entrer deux grands gaillards taillés en hercules et portant suspendu à une perche un daim qu’ils avaient tué. Ils déposèrent leur fardeau et se firent apporter du whisky, dont ils se versèrent de copieuses rasades. M’ayant aperçu ainsi que l’Indien blessé, ils demandèrent ce que faisait là cette canaille, parlant de l’Indien, qu’ils savaient ne pas comprendre un mot d’anglais. La mère, car la vieille femme était leur mère, leur commanda de parler plus bas, leur dit, en me montrant, qu’il y avait une montre, et les tirant à l’écart, engagea avec eux une conversation dont il ne m’était pas difficile de deviner le but. J’avertis doucement mon chien en lui donnant une petite tape ; il remua la queue, et je vis, avec un inexprimable plaisir, ses beaux yeux noirs se fixant alternativement sur moi et sur le ténébreux trio du coin. J’en étais certain, il