Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/183

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feu ; le jambon et les œufs frillaient déjà et chantaient dans la poêle ; en avant de l’âtre, au-dessus des cendres chaudes, deux poulets sur le gril se gonflaient et fumaient à faire envie ; enfin la nappe était mise, tout était prêt, quand les pas du cheval annoncèrent le retour du mari. Il entra, apportant un baril de cidre de deux gallons[1] ; et vraiment ses yeux pétillaient de plaisir en disant : « Tu ne sais pas, Élisa ! mon père qui voulait nous voler nos étrangers ; il allait venir ici, les prier de l’accompagner chez lui, comme si nous n’avions pas, à nous deux, de quoi bien les recevoir ! Au moins, voilà du liquide… Allons, messieurs, à table, et que chacun fasse de son mieux ! » Il n’était pas besoin de nous reforcer ; et moi, pour savourer plus délicieusement mon repas, je pris une chaise de la façon du mari, par préférence à celles qu’on appelle windsor, et dont une demi-douzaine garnissait la cabane. La mienne était rembourrée d’un morceau de peau de daim proprement tendue, et procurait un siège très confortable.

La femme reprit alors ses fuseaux, et le mari, après avoir rempli une bouteille d’un cidre pétillant, s’assit auprès du feu pour sécher ses habits. Le bonheur dont il jouissait éclatait dans ses yeux, lorsqu’à ma demande il se mit à nous raconter en gros l’état de ses affaires et ses projets. « J’aurai, nous dit-il, vingt-deux ans, vienne Noël prochain. Mon père quitta la Virginie étant jeune, et s’établit sur la grande étendue de pays où il vit encore. À force de travailler, il n’a

  1. Environ huit litres.