Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/184

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pas trop mal réussi. Nous étions neuf enfants ; la plupart sont mariés et établis dans le voisinage. Le brave homme a partagé aux uns la terre qu’il possédait déjà, et en achète de surplus pour les autres. Il y a deux ans qu’il m’a donné celle que j’occupe ; et pour un plus beau morceau, il n’est pas facile d’en trouver. J’ai défriché, j’ai planté et je me trouve avoir champs et verger. Mon père m’a aussi donné un fonds de bétail, quelques chiens, quatre chevaux et deux nègres. Je campais ici ordinairement pendant mes travaux ; puis quand j’ai voulu me marier avec la jeune femme que vous voyez à son rouet, mon père m’a aidé à élever cette hutte. Par hasard, il s’est trouvé que ma femme avait aussi un nègre, et nous avons commencé notre ménage aussi bien que beaucoup d’autres, et Dieu aidant, nous pourrions… Mais, messieurs, vous ne mangez pas, reforcez-vous donc… Élisa, m’est avis que ces messieurs ne refuseraient pas un peu de lait. » La jeune femme arrêta son rouet, et nous demanda, d’une voix douce, lequel nous préférions du lait caillé ou du lait doux (car il faut que vous sachiez, lecteur, que le lait caillé est regardé, par nombre de fermiers, comme un régal) : et l’on apporta du lait caillé et du lait doux ; mais, pour ma part, je préférai m’en tenir au cidre.

Le souper fini, nous nous rapprochâmes tous du feu, et de nouveau la conversation s’engagea. À la fin, notre bon hôte s’adressant à sa femme : « Élisa, lui dit-il, j’imagine que ces messieurs ne seraient pas fâchés de se coucher ; vois donc quel lit tu pourras leur donner. » Élisa regarda son mari en souriant : « Mais, Willy, nous