Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette immense multitude devra être de huit millions sept cent douze mille boisseaux par jour.

Aussitôt que s’annonce quelque part une abondance convenable, les pigeons se préparent à descendre, et volent d’abord en larges cercles, en passant en revue la contrée au-dessous d’eux. C’est pendant ces évolutions que leurs masses profondes offrent des aspects d’une admirable beauté et déploient, selon qu’ils changent de direction, tantôt un tapis du plus riche azur, tantôt une couche brillante d’un pourpre foncé. Alors, ils passent plus bas par-dessus les bois, et par instants se perdent parmi le feuillage, pour reparaître le moment d’après et se renlever au-dessus de la cime des arbres. Enfin les voilà posés ; mais aussitôt, comme saisis d’une terreur panique, ils reprennent leur vol, avec un battement d’ailes semblable au roulement lointain du tonnerre ; et ils parcourent en tous sens la forêt, comme pour s’assurer qu’il n’y a nulle part de danger. La faim cependant les ramène bientôt sur la terre, où on les voit retournant très adroitement les feuilles sèches qui cachent les graines et les fruits tombés des arbres. Sans cesse, les derniers rangs s’enlèvent et passent par-dessus le gros du corps, pour aller se reposer en avant ; et ainsi de suite, d’un mouvement si rapide et si continu, que toute la troupe semble être en même temps sur ses ailes. La quantité de terrain qu’ils balayent est immense, et la place rendue si nette, que le glaneur qui voudrait venir après eux perdrait complétement sa peine. Ils mangent quelquefois avec une telle avidité, qu’en s’efforçant d’avaler un gros gland ou une