Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/225

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corsets semblaient prêt d’éclater, et leurs souliers m’avaient l’air d’être non moins étroits, tant étaient rebondies et pleines de suc ces robustes beautés des régions arctiques ! Autour de leur cou brillaient des colliers avec de gros grains entremêlés de tresses d’ébène ; et à voir leurs bras nus, on aurait pu concevoir, pour soi-même, quelques craintes ; mais heureusement leurs mains n’avaient d’autre occupation que d’arranger nœuds de rubans, bouquets de fleurs et flonflons de mousseline.

Ce fut alors que parut l’un des beaux qui revenait tout frais de la pêche : bien connu de toutes, et les connaissant toutes également, il sauta sans façon sur des planches mal jointes qui formaient, en dessus, une espèce de grenier ; puis, après avoir promptement changé ses nippes mouillées, contre un costume mieux approprié à la circonstance, il fit à son tour son entrée dans l’appartement où, se carrant, se dandinant, il salua les dames et leur présenta ses hommages sans plus de gêne, sinon avec autant d’élégance, que le cavalier le plus fashionable de Bond-street. Les autres arrivèrent à la file, en grande tenue, et l’on demanda la musique. Mon fils, en guise d’ouverture, joua « Salut, Colombie, heureuse terre » ; puis, la Marseillaise[1], et finit par le « God save the king ». Quant à moi, enfoncé dans un coin, à côté d’un vieux gentleman d’Europe, dont la conversation était instructive et amusante, je me con-

  1. Au Mexique et au Pérou, on exécute quelquefois la Marseillaise jusque dans les églises, en la regardant sans doute comme un hymne purement religieux.