Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/233

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trant tout à fait à l’improviste. — Mais voilà les jeunes devenus capables de se tenir sur le bord du nid ; ils essayent leurs ailes, et enfin prennent courage pour voleter à quelque logement plus commode et peu éloigné. Déjà ils sont assez forts pour suivre leurs parents au large ; ils vont chercher la nourriture dans leur compagnie et dans celle des autres, jusqu’au temps de la nichée, où ils s’accouplent à leur tour et se dispersent.

Malgré toutes les précautions du corbeau, son nid est envahi partout où on le trouve ; on oublie qu’il n’est d’aucun usage, et l’on ne se souvient que de ses méfaits que l’imagination grossit ; et lui-même, en quelque lieu qu’il se présente, on le tue, parce que, de temps immémorial, l’ignorance, les préjugés et l’amour de la destruction ont travaillé l’esprit de l’homme à son détriment. Les hommes exposent leur vie pour atteindre son nid ; ils y emploient cordes et câbles, sans avoir pourtant contre lui d’autre grief que la mort de quelques brebis ou d’un agneau de leurs nombreux troupeaux. D’autres, disent-ils, détruisent les corbeaux, parce qu’ils sont noirs ; d’autres, parce que leur croassement est désagréable et de mauvais augure, et malheur surtout aux pauvres petits qui sont emportés à la maison, pour devenir les souffre-douleurs de quelque enfant cruel ! Quant à moi, j’admire le corbeau, parce que je vois en lui beaucoup de choses calculées pour exciter notre étonnement. J’avoue qu’il lui arrivera parfois de hâter la fin d’une brebis qui, d’elle-même, s’en allait périr, ou de détruire un agneau chétif ; il pourra manger les œufs des autres oiseaux, ou, par occasion, ravir