Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des compagnies de tétraos qui se réfugiaient sur leurs arbres, à midi, ou même dès que l’air commençait à devenir lourd, et presque toujours il pleuvait dans l’après-midi. Au contraire, si la même compagnie restait tranquillement occupée à chercher sa nourriture jusqu’au soleil couchant, je pouvais compter sur une nuit et sur une matinée fraîche et claire. — Je crois que cette sorte d’instinct ou de prévision existe dans toute la tribu des gallinacés.

Un jour, sur la côte du Labrador, je mis presque le pied sur une femelle de tétrao du Canada entourée de sa jeune famille. C’était le 18 juillet. La mère, effrayée, hérissa ses plumes, comme ferait une poule ordinaire et s’avança sur nous, bien résolue à défendre sa couvée. Son désespoir et sa détresse sollicitaient notre clémence, et nous l’épargnâmes en lui octroyant paix et sécurité. Lorsqu’elle vit que nous nous retirions, elle rabattit doucement son plumage en nous remerciant par un tendre et maternel gloussement, et ses petits, bien, j’en suis sûr, qu’ils n’eussent pas plus d’une semaine, se mirent à jouer des ailes avec tant d’aisance et de joie, que je ressentis une vive satisfaction de les avoir laissés échapper.

Deux jours après, mes jeunes et industrieux compagnons revinrent au Ripley avec une paire de ces tétraos en état de mue. C’est une crise pénible qu’ils subissent bien plus tôt que le tétrao des saules. Mon fils me dit que quelques jeunes qu’il avait vus avec leur mère étaient déjà capables de s’envoler d’un trait à plus de cent verges, et qu’il en avait pris sur des arbres bas où