Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/418

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en fils, depuis une centaine d’années, ayant été constamment forcée de rapporter d’une sorte ou de l’autre, se trouve à la fin complétement épuisée ; elle ne montre plus qu’une couche superficielle d’argile rouge, entrecoupée de profondes ravines par où le meilleur du sol s’en est allé peu à peu recouvrir les possessions de quelque heureux voisin qui réside plus bas, au milieu d’une vallée toujours riche et belle. Tous leurs efforts pour ramener la fertilité ont été vains. Alors, à bout de moyens, ils se défont des choses embarrassantes ou trop coûteuses à emporter, ne gardent qu’un couple de chevaux, un domestique ou deux, et tels ustensiles de ménage et autres articles qui peuvent être nécessaires pendant le voyage, ou leur servir quand ils seront arrivés au lieu de leur choix.

Il me semble les voir, en ce moment, équipant leurs chevaux, les attelant aux charrettes déjà chargées des objets de literie, des provisions et des plus petits enfants ; tandis que sur les côtés, en dehors, sont accrochés des rouets, des métiers à tisser, avec un seau rempli de goudron et de suif, qui ballotte suspendu au train de derrière. Quelques haches ont été attachées aux traverses de la voiture ; et dans l’auge à manger des chevaux, roulent pêle-mêle pots, chaudrons et casseroles. Le domestique, devenu charretier, enfourche le cheval de devant, la femme s’assied sur l’autre ; le digne mari, son fusil sur l’épaule, et ses garçons revêtus de bonne grosse étoffe, touchent les bestiaux et conduisent la procession, suivis des chiens de chasse et autres. Le voyage se fait à petites journées et n’est pas tout plaisir ;