Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/58

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Parfois on creuse deux tranchées qui doivent s’ouvrir dans la cage par les deux côtés opposés, et sont l’une et l’autre garnies de grain. Un dindon n’a pas plutôt découvert la traînée de blé, qu’il pousse un gluck retentissant, et donne avis de cette bonne aubaine à toute la bande ; à ce signal, chacun d’accourir. D’abord ils commencent par glaner les grains épars aux alentours ; puis finissent par s’engager dans la tranchée qu’ils suivent l’un après l’autre, en se pressant le long du passage au-dessous du pont. De cette manière, quelquefois toute la troupe entre ; mais plus ordinairement cinq ou six seulement, car ces oiseaux sont alarmés par le moindre bruit, même par le simple craquement d’une branche, dans les temps de gelée. Ceux qui sont en dedans, après s’être gorgés de grain, redressent la tête, et essaient de sortir par le haut ou les côtés de la cage. Ils passent et repassent sur le pont, ne s’imaginant jamais de regarder en bas, et sans avoir l’instinct de reprendre, pour s’échapper, le chemin par ils sont venus. Ils restent là, jusqu’au retour du chasseur qui ferme le passage et met la main sur ses prisonniers.

On m’a parlé de dix-huit dindons pris ainsi, en une seule fois ; moi-même j’ai eu pour mon compte nombre de ces cages, mais je n’y en ai jamais trouvé plus de sept d’un même coup. Un hiver, je fis le total de ce que l’une d’elles m’avait produit : en deux mois seulement j’y en avais pris soixante-seize ! Quand ces oiseaux abondent, on est quelquefois fatigué d’en manger, et les propriétaires des cages négligent de les visiter pendant plusieurs jours ou même des semaines entières,