Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/101

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pour le plaisir de relever les démentis que l’Église elle-même donne à son passé. Mais ces démentis, qui sont des faits, quotidiens et certains, devaient nécessairement entrer en ligne de compte dans l’examen de cette question : le monde contemporain rend-il unanimement justice à l’art du moyen âge ?

— Non, et loin de là. Tous les « corps constitués » lui sont hostiles : l’Église, l’Académie, l’École. Hors de date, la tradition pseudo-classique garde en ces personnes morales des apôtres entêtés et puissants. Si l’on peut se promettre qu’ils n’auront pas d’héritiers, c’est donc demain seulement, du moins, que les études classiques seront définitivement fondées sur leurs assises naturelles : l’étude — à égalité — du classique oriental et du classique occidental, de l’art antique et de l’art français.

À cette révolution ni la catégorie sociale qu’on nomme le monde, ni le peuple ne sont préparés.

La mode, pourtant, commence à s’en mêler. Les fabricants de meubles font, sur commande, « du gothique ». On sait même, en Belgique, une considérable gare tout entière conçue dans ce style. Du reste, le monde, et particulièrement cette fraction du monde où les salons communiquent avec les ateliers (peut-être par le Salon), montre aujourd’hui un goût passionné pour les objets, surtout pour les vêtements et les ornements liturgiques. Il ne serait pas raisonnable d’attendre de cet engoûment de réels bénéfices moraux. Pour boire dans des calices ou pour porter des robes composées de morceaux de chasubles, on n’en est pas mieux préparé à comprendre les merveilles gothiques que si l’on restait réduit aux vieux usages bourgeois. Ces démonstrations d’un snobisme qui tout à l’heure, au premier souffle, changera d’idéal, ne sont que ridicules, et nous ne nous étonnons pas qu’elles soient contemporaines des actes de vandalisme prescrits ou tolérés par l’État et les Villes, ou commis par le peuple de son propre mouvement.

Les pires de ces actes odieux sont ceux qui dissimulent la haine sous les dehors de l’amour. Nous avons à plusieurs reprises effleuré cette question, si grave, des restaurations, qui préoccupe à si juste titre tous les amoureux d’art. Il serait superflu d’entrer, à ce sujet, dans de grands détails : la vérité n’est ignorée de personne, bien que les administrations responsables s’entêtent à la contester. Le procès est fait, chaque jour, de ce chef, aux pouvoirs publics, dont la négligence, pour ne pas dire la malveillance, ne fait l’objet d’aucun doute. Il y a, là, des pratiques fort anciennes. Aux architectes et aux sculpteurs dont l’École a