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La foule, en voix confuses, exprime humblement l’amour, l’adoration de la Justice. — En haut sont les orgues, comme la foudre qui serpente. Et ce murmure humain qui borde le chant profond de l’orgue…

Rembrandt, que vous admirerez au XVIIe siècle, dont vous ferez un classique, est intensément gothique. Le génie de Rembrandt, c’est également la vie dans l’ombre.

Mais notez bien que l’ombre, en soi, n’existe pas. C’est un vêtement qui s’attache à la forme. Si la forme est bonne, l’ombre, qui en est la manifestation, sera expressive. Donnez-moi de belles formes, j’aurai de belles ombres. Ce qui fait la variété des styles, c’est la déclinaison des mêmes ombres en détails différents. Aussi y a-t-il unité parfaite dans l’art français, depuis le Roman jusqu’à nous, — jusqu’à nous exclusivement. Nous nous sommes reniés nous-mêmes, en refusant notre amour aux merveilles de notre passé, et ce reniement est un suicide.


VI


De bonne foi, comment pourrait-on excuser, expliquer le crime moderne, l’abandon des Cathédrales ? Pis encore : leur meurtre et leur travestissement !

Nous sommes les exécuteurs inconscients de notre propre condamnation. La destinée nous retire ces grands titres de gloire, parce que nous ne les méritons plus, et, pour comble de honte, c’est nous-mêmes qu’elle charge du châtiment.


Est-ce l’homme qui a diminué ? Est-ce la Divinité ? Comment se pourrait-il qu’elle exigeât de nous, maintenant, après de si splendides sacrifices, un tribut dérisoire ?

Si nous sommes devenus infirmes, de quand date notre infirmité ?

Sommes-nous, vraiment, réduits à tant de faiblesse que nous laissions, sans faire un effort pour le retenir, s’envoler le grand oiseau mystique ?