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revois les grandes lignes de son architecture, tels détails de sa statuaire, telle figure qui fait, dans son isolement, un tout complet, un monde à part, image du grand. Ainsi le moindre insecte, parce qu’il est selon les lois générales, nous offre une représentation, abrégée, mais totale de l’univers.


VII


Les circonstances ne prévaudront pas contre l’Esprit et contre la Loi.

Le sentiment de la beauté est nécessaire, impérissable. Je m’en persuade en sentant si vive en moi la faculté d’admirer. Cette faculté, tous les hommes l’ont en eux. Elle peut sommeiller, elle se réveillera.

Moi non plus, je n’ai pas toujours connu toute la vérité. Quelle reconnaissance je dois aux forces qui me l’ont révélée ! — Aujourd’hui, par ce matin de printemps où l’atmosphère est en fleur, mes souvenirs m’escortent, je rejoins mon passé, je pense aux longues et délicieuses études qui m’ont donné le goût de la vie et enseigné son secret.

D’où me vint cette faveur ?

D’abord de mes longues promenades à travers la forêt, qui m’ont fait découvrir le ciel : le ciel que je croyais, auparavant, voir tous les jours ; mais, un jour, je l’ai vu.

Et puis du modèle aussi, du modèle vivant qui, sans me parler, a fait naître en moi l’enthousiasme, m’a permis la patience, m’a donné la joie de comprendre cette fleur des fleurs, la fleur humaine. Mon admiration s’est toujours élevée, élargie depuis. Ma faculté d’observation s’est aiguisée grâce à de rares et ardentes affections, et grâce encore à des printemps comme celui-ci, où la terre envoie son âme fleurie à sa surface pour nous éblouir et nous enchanter.

Quel bonheur, pour moi, de posséder un métier qui me permet de dire à la Nature mon amour ! — O ce modèle, ce temple de vie, dont la sculpture peut reproduire les plus tendres modelés, les lignes les plus délicates et qu’on croirait d’abord les plus décevantes, dont le moindre fragment est