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Rentrer dans la vérité, retourner à la nature, remonter aux principes : relier le présent au passé. L’instinct reconnaît l’instinct par delà les intervalles.

Relier le présent au passé, c’est l’action nécessaire. Ce sera rendre aux vivants la sagesse et le bonheur. Ceux qui possèdent le bonheur, parce qu’ils se sont prosternés devant la vérité, ne veulent pas garder pour eux seuls ce trésor. L’humanité tout entière, inconsciemment, en a faim et soif. — Il y a un malentendu entre le passé et le présent.


L’artiste devrait être écouté.

Non pas imité ! Il n’imite pas, lui-même : il ne veut pas qu’on l’imite. Même pour s’approcher de l’antique, ce n’est pas à la copie qu’il recourt, mais au moyen même que les Anciens ont employé : à l’étude de la nature.

Non pas imité : mais écouté !

Docile confident de la nature, il vit parmi de bien autres merveilles que celles des Mille et Une Nuits. Il peut enseigner à la foule l’art d’admirer, et ainsi lui procurer de magnifiques et innombrables occasions de développement et de bonheur.

À la condition, en effet, de nous soumettre joyeusement aux Lois — aux vraies, à celles que l’homme n’édicte pas, mais qui sont les textes éternels, éternellement offerts à ses yeux, à son esprit, à son cœur — nous jouissons d’une infinie richesse de vie. Quel paradis que cette terre ! Ne parlons pas du mal, nous ne le comprenons pas… Essayons seulement d’épuiser le lot de bien, le bonheur qui nous est dévolu : nous n’y parviendrons pas, car il est infini. Et il nous est, proprement, donné.

La beauté, comme l’air, ne coûte rien. La terre, calme ou troublée, fleurie ou montrant son squelette, les saisons, les bêtes et les fleurs, la foule dans la ville, les admirables portraits que tu vois dans l’omnibus, le bateau, le wagon : partout, artiste, tu trouves un aliment pour ta faim de beauté. Qu’importe si, de loin, tu ne vois pas le visage ? Le mouvement général te l’indique ; et si tu ne vois que le visage, il t’indique le mouvement général ; le visage et le mouvement racontent toute l’histoire d’une personne, c’est tout un roman écrit avec la chair. Et comme cette loi de beauté n’a rien de