Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est le grand instant : cette foule chante son cœur dans la prière — versets, antiennes, mélopées. Elle est muette, apparemment ; mais elle a délégué sa voix. L’homme d’âge et l’enfant l’adressent au ciel pour tous, en des chants admirables, qui sont comme les véritables hauts-reliefs du sanctuaire, où les saints rangés aux voussures les accueillent.


Comme elles aiment la sculpture, ces Cathédrales ! Elles inspirent aux femmes le goût de la belle draperie, leur conseillent de demander à des plis rigides un surcroît de beauté : car la modestie et la chasteté sont les sœurs aînées de la beauté, et les Cathédrales le savent.

Un magnifique éloge de la femme n’est-il pas formulé partout, ici, dans la langue plastique de la prière ? Et si la Vierge y est honorée la première, n’est-ce pas elle qui nous ouvre les portes du printemps ? Par elle ne découvrons-nous pas l’univers ?

Ne vous êtes-vous jamais arrêté, l’esprit et le cœur en suspens, interdit d’avoir découvert ce chef-d’œuvre, une femme en prière ? La femme ne perd jamais la ligne, mère de la grâce que Dieu lui a conférée, qui lui prête toujours un caractère surnaturel et qui nous suggère le désir de la couronner. Ah ! ceux qui ont pénétré au fond le plus mystérieux des plus intimes voluptés savent bien qu’elles gardent un au-delà et qu’en cet au-delà la femme nous possède encore ! — Et après avoir aperçu, dans l’église, cette femme qui priait, ne vous êtes-vous pas éloigné, puis rapproché discrètement, sans vous laisser voir, pour jouir de ce bonheur, pour admirer cette attitude en si parfaite harmonie avec la nef tout entière, ample cadre destiné à cet unique portrait ? Et pouvez-vous dire que cette femme et son naturel génie soient inférieurs à n’importe laquelle entre les plus incontestables merveilles de l’art ? N’est-elle pas, elle-même, d’une architecture parfaite ? Les colonnes du temple ne lui font-elles pas cortège, comme feraient les beaux arbres dans un jardin d’amour ?

Dans les Cathédrales, toutes les femmes sont des Polymnies, tous leurs mouvements retournent à la beauté. Cette architecture projette sa gloire sur elles comme un tribut de reconnaissance. Voyez, au tympan, le couronnement de la Vierge : comme l’artiste, qui a mis tant de chaste émotion