Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/31

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qu’on voit au delà de la Loire ; ainsi pendant neuf cents années, le génie des Français a été presque toujours rétréci sous un gouvernement gothique. »

Louis Courajod, qui cite ce texte, ajoute : « On conviendra que Voltaire est bien dur pour les collaborateurs français de Jean Joconde, pour Pierre Lescot, pour Jean Bullant, pour les constructeurs de Gaillon, de Blois, d’Amboise, du vieux Chenonceaux, de Chambord et des autres châteaux et hôtels des « bourgs d’au delà de la Loire. » — Il n’est pas moins injuste pour les architectes et les sculpteurs de nos églises, dont il jugerait, du reste, la seule mention indigne de lui.

Mais quelle tristesse que Jean-Jacques Rousseau ne montre pas plus de goût ! Avec quel déplorable dédain il parle des « portails de nos églises gothiques, qui ne subsistent que pour la honte de ceux qui ont eu la patience de les faire » ! — Comment l’amour de la nature ne l’a-t-il pas préservé d’une faute si grave contre elle ?

Au préjudice d’œuvres condamnées par de tels suffrages — autour desquels il serait facile, mais à quoi bon ? d’en grouper de moins éclatants — toutes les violences ne sont-elles pas permises, autorisées ?

Aussi bien par les hommes du régime qui va naître que par ceux de l’ancien régime, d’accord sur ce seul point, nos Cathédrales semblent vouées à la destruction.

La Révolution se chargera de satisfaire à ce vœu unanime.

« Les souvenirs historiques et religieux, qui seuls avaient rendu les édifices du moyen âge respectables aux yeux des générations antérieures, devinrent, au contraire, des motifs de condamnation : on sait avec quelle violence irréfléchie le torrent révolutionnaire brisa et balaya les monuments d’un passé dont les œuvres d’art étaient pourtant des témoins bien irresponsables, et que l’on entendait condamner en bloc[1]. »

Ce fut le dernier épisode, incomparablement le plus tumultueux, de l’histoire de la Renaissance : en effet, les motifs auxquels obéissent les iconoclastes ne sont point étrangers à la pédagogie classique, bien qu’ils l’ignorent, et elle approuve leur geste. N’est-ce pas elle aussi qui, leur inspirant une ridicule idolâtrie de l’antiquité mal comprise, transformera ces hommes affolés en pompiers sanguinaires et pourtant académiques ?

À l’orage passé, l’esprit qui le suscita survit. Longtemps après que la vérité

  1. Enlart, Manuel d’Archéologie française.