Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/353

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note dissonante et pas deux notes identiques. C’est la plus une et la plus variée des symphonies.

Et les détails dont ces bas-reliefs sont pleins, quelles délices ! C’est tantôt l’imitation de la nature, comme dans ces feuilles de trèfle si franchement dessinées, et tantôt c’est l’imagination de l’artiste, procédant toujours de la nature, sans doute, mais n’imitant d’elle guère plus que ses méthodes de création.

L’originalité, tout le monde le sait, — et ne l’ai-je pas déjà dit ? — n’est pas dans le sujet, quoi qu’il en semble. Ce qui est original partout, ici, c’est la mise en œuvre partout proportionnée d’un principe général de sagesse.


Les grilles d’Amiens font avec ce monument gothique une parfaite harmonie. Comme toutes les belles choses sont toujours d’accord entre elles ! Ces grilles Louis XIV sont superbes d’élégance simple et noble. Elles rampent somptueusement au pied des colonnes.


Si naïve que des pédants l’aient jugée, l’analogie entre l’église gothique et les forêts du Nord — ces forêts qui n’étaient jamais très éloignées de cette église et qui lui ont fourni tant de matériaux — s’impose à mon esprit. Que la forêt ait inspiré l’architecte, j’en suis, comme Chateaubriand, absolument convaincu. Le constructeur a entendu la voix de la nature, il a compris son enseignement, son exemple, il a su en déduire des conséquences d’utilité profonde et générale. L’arbre et son ombrage sont la matière et le modèle de la maison. L’assemblée des arbres, avec l’ordre, les groupements variés, les divisions et les directions que la nature lui assigne, c’est l’église.

N’avons-nous pas trouvé la vie de la sculpture en rêvant dans les bois ? Pourquoi l’architecte aurait-il été moins favorisé que le sculpteur ?

Et la forêt continue à me produire une impression voisine de celle que je reçois de la Cathédrale. L’une me renvoie à l’autre.

Toutes deux réveillent ma jeunesse…

Devant cette église, voici qu’irrésistiblement je me souviens d’une forêt, et je la revois…

La forêt où rêva ma jeunesse est sévère. Elle n’a pas d’oiseaux. L’horizon est presque partout fermé, limité par la muraille des arbres. Mais