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« Les siècles qui ont précédé le XIXe n’avaient pas l’esprit historique », affirme M. Camille Enlart. Est-ce assez de l’esprit historique pour approfondir tout le mystère ? N’y faut-il pas aussi, ou peut-être d’abord, l’esprit artistique, seul capable de déchiffrer, grâce à des certitudes qu’on n’acquiert pas en compulsant les documents, ces hiéroglyphes du temps et de la beauté ? N’y faut-il pas aussi, ou sans doute surtout, l’esprit poétique, seul assez intelligent et assez compréhensif — je veux dire assez pénétrant et assez enveloppant — et seul assez sensible pour permettre à des hommes modernes de se substituer par la pensée et par le sentiment à ceux qui vivaient il y a sept cents et huit et neuf cents ans, de s’adapter à leur psychologie, de s’initier à leur mysticisme ?

Mais, s’il faut tant de lumières, qui se vantera de les avoir toutes ?

Nous voulions nous imaginer, afin de pouvoir nous expliquer comment elle est morte, historiquement, puis comment elle s’est ranimée dans les esprits modernes, la Cathédrale en vie, militante ou triomphante, active, telle en effet qu’elle fut il y a sept et neuf cents ans. Peut-être notre dessein, trop ambitieux, n’est-il pas réalisable. Nous pouvons du moins préciser quelques lignes, réunir quelques couleurs vraies de ce vaste tableau.


Il y a plusieurs Cathédrales. Encore qu’elles puissent se ramener toutes, idéalement, dans une période donnée, au même type, il convient de tenir compte de certaines grandes nuances.

Il y a plusieurs points de vue. La Cathédrale est un lieu religieux, un lieu social, un lieu artistique, et, bien que cette trinité, aux belles époques, ne soit jamais divisée, on ne saurait la rendre d’un mot.

Il y a plusieurs époques. Celles qui précèdent l’apothéose nous y préparent, et nous ne pouvons négliger les renseignements qu’elles nous donnent.

Impatients des retards que toutes ces complications nous imposent, nous interrogeons l’un, puis l’autre de ces monuments, avec l’espoir de ravir à l’un d’eux le secret de tous, l’âme commune à tous, et ce sont leurs différences qui aussitôt nous apparaissent. Mais ces différences ne sont-elles pas concertées ? Pour comprendre les Cathédrales, dans la seule intention, par exemple, de leurs dédicaces, ne faut-il pas composer dans notre esprit une immense Cathédrale unique, faite de toutes les cathédrales ?

« La cathédrale de Chartres est la pensée même du moyen âge devenue