Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/403

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la première atteinte, dénonce le mensonge. Mais une figure, sortie admirable des mains de l’artiste, reste admirable toute rongée qu’elle puisse être. L’œuvre des mauvais artistes n’a point de durée, parce qu’elle n’a jamais existé essentiellement.


Ce beau monument montre toute la puissance raisonnée, mesurée, du style.

Je reviens toujours à ce mot, « discipline », pour définir cette sobre et forte architecture. Elle me rassure, elle me satisfait. Quelle science absolue des proportions ! Les plans seuls comptent et tout leur est sacrifié. C’est la sagesse même. Ici, je reprends mon âme à quelque chose de solide, qui m’appartient : car je suis un artiste et je suis un plébéien, et la Cathédrale a été faite par les artistes, pour le peuple.

La sensation du style éveille d’une façon particulièrement impérieuse, en moi, cette idée de possession tranquille.

La sensation du style ! Qu’elle va loin ! Par une route obscure la pensée remonte ou redescend jusqu’aux catacombes, jusqu’à la source de ce grand fleuve, l’architecture française.

Très longtemps, il a été convenu que l’art du Moyen Âge n’existait pas. C’était — répétons sans nous lasser, pour la confondre, l’injure qu’on ne s’est pas lassé de rabâcher trois siècles durant — « la barbarie ». Même aujourd’hui, les esprits les plus hardis, ceux qui se vantent de comprendre l’art gothique, font encore des réserves. — Or, cet art est une des faces majestueuses de la beauté.

Que le mot puissant prenne ici tout son sens : cet art est très puissant ! Je pense à Rome, à Londres ; je pense à Michel-Ange. Cet art donne à la France une figure sévère. Il n’y aura eu que trop de temps perdu à chercher l’accord entre le mièvre et le beau — « l’idéal » d’aujourd’hui !