Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/44

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qui apportaient avec eux-mêmes leur solution, claire, évidente, et consolante. La lampe des douloureux et des morts illuminait, dans l’esprit des néophytes, la nécessité de la douleur et de la mort, ces loyers de la joie céleste et de l’éternelle récompense.

À cette lumière cachée sous le boisseau de la terre, la Cathédrale va naître, spirituellement.

Point d’art, dans ce froid jour de cave. L’art a pour patrie le plein air, la pleine lumière. Et puis, les prêtres se défient de lui. Au service des dieux grecs et romains, il a pris les couleurs de l’idolâtrie. Il ne faut pas oublier que le christianisme est l’héritier du mosaïsme, ennemi des images. Il craint toujours quelque damnable confusion entre la Divinité et sa représentation ; avec les récents convertis, cette crainte n’est que trop fondée. — L’art est donc proscrit des catacombes, au début, pour des raisons matérielles et morales.

Et pourtant, bien peu d’années se passeront et il sera devenu la principale occupation des emmurés, après la prière, avec la prière.

Les prêtres ont cédé à l’incompressible instinct qui oblige l’homme à chercher la beauté, à s’efforcer de l’exprimer. Il s’est reproduit, dans ces cavernes, ce qui s’était produit déjà, un nombre incalculable de siècles auparavant, dans d’autres cavernes, celles de la Vézère, du Fond de Gaume et d’Altamira, et dans tant d’autres que la science n’a pas encore retrouvées, — avec cette grave différence, toutefois, que les artistes de la période paléolithique étaient incomparablement supérieurs à ceux des catacombes. Dans la mesure où ceux-ci cédaient à l’influence romaine, qui ne leur permettait pas de concevoir des tombes dénuées d’ornementation plastique, ils apportaient à cette illustration de la foi nouvelle beaucoup de science et encore plus de fatigue. Ces méthodes empruntées aux ateliers païens se ressentaient du désenchantement de longues générations évertuées à l’interprétation traditionnelle des mêmes mythes, et qui déjà trahissait, avec la déchéance des cultes polythéistes, l’usure des esprits, l’universel besoin d’un grand changement.

Le salut de l’art eût été dans un franc retour à la nature. Mais, justement, dans les catacombes, l’étude de la nature était interdite à l’art chrétien. Il dut attendre l’édit de libération, et aussi l’influx du sang barbare pour rompre avec la leçon des maîtres antiques. L’art des catacombes, dans sa facture, est presque toujours le frère cadet de cet art faible et charmant que Pompéi exhumée nous a fait connaître.