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des indications d’une nouveauté émouvante. C’est, dans la grande crypte de Prétextat, l’occasion de « tout un décor d’une vivacité charmante, le chef-d’œuvre de la peinture chrétienne à l’époque de Septime-Sévère »[1]

Avec moins de certitude, de maîtrise, avec toutefois le beau sentiment décoratif que, durant tout le premier siècle, il gardera de la fréquentation des ateliers païens, l’art chrétien montre plus de grandeur dans les créations qui lui sont propres. Art extrêmement cérébral, qui ne cherche pas la grâce, qui n’a rien absolument de sensuel, qui vaut par la chose signifiée et non point par les formes de la signification, il se propose d’exprimer les plus profonds mystères de la liturgie et sacrifie tout au désir d’être clair et surtout orthodoxe. Il tombera dans la barbarie au IIIe siècle, ayant alors oublié la leçon de ses anciens maîtres, mais il n’aura rien perdu de ses caractères spécifiques : au contraire, il les dégagera plus fortement que jamais, avec plus d’intensité et moins de charme. Plus tard, quand ces abstractions, inharmoniquement figurées jusqu’alors, se produiront dans le plein air, elles s’y rajeuniront, elles s’y transformeront, ce sera comme une première Renaissance, chrétienne, et nous admirerons aux voussures de nos porches romans et gothiques ces images que nous contemplons sans plaisir dans les fresques du cimetière de Calliste ou de Comodille. Les artistes de nos cathédrales nous enseignent l’esthétique du Paradis : les ouvriers d’art des catacombes nous en disent la métaphysique.

Cette métaphysique était, dans le même temps, et plus philosophiquement, approfondie par Philon et ses élèves, saint Clément d’Alexandrie et Origène. Les apôtres eux mêmes, et surtout saint Paul, avaient inauguré l’interprétation allégorique des Écritures, expliquant les personnages et les événements de l’Ancien Testament comme des figures de la Loi Nouvelle. L’école d’Alexandrie systématisa cette interprétation. En Occident, saint Hilaire la reçut d’Origène. Saint Ambroise la rendit populaire : « La lettre tue et l’esprit vivifie », disait-il. Isidore de Séville, après saint Augustin et saint Grégoire le Grand, donna, dit M. Émile Mâle que nous résumons ici, « une forme définitive aux commentaires mystiques de l’Ancien Testament. Les écrivains du moyen âge répéteront pendant des siècles les interprétations allégoriques trouvées par les Pères, et désormais consacrées. » Les artistes du moyen âge, en ajoutant la forme plastique à l’interprétation allé-

  1. Pératé, loc. cit.