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Le myosotis sauvage a l’air un peu étourdi ; il n’a pas beaucoup de mémoire, il est trop petit.


L’herbe : l’oriflamme.


La feuille du mûrier, sur sa face, a des touches vives. C’est une feuille essentiellement gothique ; vous la retrouverez souvent au musée du Trocadéro.


Le plantain, cette herbe de « coupasse » qu’on emploie pour les coupures, est une lance soutenue par des côtes. Sa feuille est flammée.


Cet œil de l’anémone, irrité et sanglant. Je ne connais rien d’aussi poignant que cette fleur. Celle que j’ai sous les yeux a l’âge du retour ; elle est pleine de fines rides, ses pétales sont comme disjoints ; elle va tomber. Le vase persan où je l’ai mise, bleu, blanc, crème, lui fait un tombeau digne d’elle. — Ses sœurs, épanouies, dessinent de belles rosaces.


Cette grande fleur, du violet que j’aime dans un certain vitrail de Notre-Dame, me touche comme un souvenir, surtout maintenant que nous retournons à Dieu, elle et moi. Son cœur triste, où pointe un bouton noir, s’entoure d’une couronne noire aussi, que les pétales exagèrent, et ces pétales violets laissent le vitrail passer devant la lumière. C’est une veuve.


Toutes mes fleurs sont là, sous mes yeux, répondant à mon appel.

Hier, j’y voyais des bras, des mains, des profils.

Aujourd’hui, elles se redressent comme des branches de candélabres, s’offrant à tenir des lumières. Une seule, tombée, pend, comme un serpent mort.

Nul doute que la beauté des fleurs et leurs mouvements n’expriment des pensées ; comme nos propres mouvements et notre beauté. Mais elles parlent en chœur, elles ont une conscience collective, une pensée unanime.

Elles nous commandent, donc, de ne pas perdre le sentiment de l’ensemble, tout en faisant notre profit des détails charmants qu’elles nous laissent voir.