Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

romanes étaient entièrement peintes, même sur leurs piliers, comme les couvents du Mont-Athos : entre autres, Saint-Sernin, les églises ou les chapelles de Ligat, de Poncé, de Montoire, de Montmorillon, de Vie, de Berzé-la-Ville, de Brioude, du Puy, de Saint-Loup-de-Naud, de Saint-Chef, de Rocamadour, la crypte de la cathédrale d’Auxerre, l’abbaye de Cluny…

Production énorme, où l’on distingue des centres d’activité particulièrement intense ou de mérite singulièrement éminent. Mais, tout permet de le croire, le régime des églises que nous venons de nommer devait être celui de toutes les églises, au XIIe siècle. Il est à présumer qu’on en trouvera la preuve sous l’immonde badigeon dont elles ont été déshonorées du XVIIe au XIXe siècle. Les découvertes accomplies déjà ont une importance extrême, que chacun voit. Elles bouleversent l’histoire de la peinture, en ce premier chapitre, du moins, qu’elle consacre aux « Primitifs » et qu’elle voit de jour en jour s’éclairer de nouvelles lumières dont sa chronologie de la veille est désorientée, s’allonger d’ante dicta, d’appendices à rebours qui finiront par dévorer le livre. Aucune école étrangère n’a plus d’œuvres à citer qui, dans le temps, se placent avant les œuvres de notre école romane de peinture, et ces œuvres sont d’une parfaite beauté. Voilà de quoi inspirer à tous, pour ce moyen âge méconnu, méprisé, un respect étonné. L’étonnement l’emporta d’abord sur le respect, et Mérimée, tout le premier, crut devoir — sans apporter, du reste, à l’appui de sa thèse aucune preuve, — attribuer à des maîtres grecs ces témoignages d’un art si savant. Erreur universellement reniée. Non pas qu’on doive répudier, ici non plus qu’en architecture, l’influence hellénistique. Le moine Théophile, dans sa Diversarum Artium Schedula, qu’il écrivait à la fin du XIe siècle, se recommande expressément des Grecs et se vante de transmettre à l’Occident tous leurs secrets. Que de temps perdu si l’Occident avait dû réinventer tous les arts ! C’est un grand bonheur que l’incomparable bénéfice de la tradition ne lui ait pas été refusé : loin de là, car il est manifeste que la tradition grecque n’a, presque jamais, cessé de vivifier la pensée occidentale. Mais cette pensée, nourrie de cette tradition, a trouvé dans la substance de la race les vertus qui lui ont permis de s’exprimer à son tour ; pour être restée fidèle à des principes certains, aujourd’hui comme alors unanimement respectés, elle ne s’est pas réduite à l’imitation ; elle a fait preuve de force personnelle et d’originalité.

Du reste, l’influence grecque, si l’on tient à la voir dans nos fresques