Page:Austen - Emma.djvu/111

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— Non, Monsieur, reprit Emma, en aucune façon. Bien loin de vous avoir compris j’ai été jusqu’à ce moment complètement dans l’erreur touchant l’appréciation de vos projets. Votre conduite vis-à-vis de mon amie Harriet m’avait paru indiquer clairement vos désirs ; je les secondais très volontiers, mais si j’avais supposé que ce n’était pas elle qui vous attirait à Hartfield, j’aurais certainement jugé vos visites trop fréquentes. Dois-je croire que vous n’avez jamais eu l’intention de plaire à Mlle Smith et de vous faire agréer d’elle ?

— Jamais, Mademoiselle, reprit-il offensé à son tour jamais, je puis vous l’assurer. Moi, avoir des vues sur Mlle Smith ! Mlle Smith est une excellente jeune fille et je serais heureux de la savoir respectablement mariée ; je le lui souhaite de tout cœur ; et sans aucun doute il y a des hommes qui ne feraient pas de difficulté à passer par-dessus certaines… Chacun a son niveau. Quant à moi, je ne me crois pas réduit à cette extrémité ; il n’y a aucune raison pour que je désespère de contracter un jour une alliance assortie. Non, Mademoiselle, mes visites à Hartfield n’avaient que vous pour objet et les encouragements que j’ai reçus…

— Vous vous êtes entièrement abusé, Monsieur : je n’ai vu en vous que l’admirateur de mon amie ; en dehors de cette qualité, vous n’étiez qu’une connaissance ordinaire. Ce malentendu est fort regrettable, mais il vaut mieux qu’il prenne fin dès à présent. Si ce manège avait continué, Mlle Smith aurait pu être amenée à interpréter votre manière d’être comme un hommage personnel, n’étant pas, sans doute, plus que je ne le suis moi-même, consciente de l’inégalité sociale qui vous frappe si vivement. Pour ma part, je ne songe pas au mariage.

La colère empêcha M. Elton de répondre ; ils