Page:Austen - Emma.djvu/130

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puis son départ je la relisais à ma mère, car une lettre de Jane est un si grand plaisir pour elle qu’elle ne se lasse pas de l’entendre. Je dois avant tout m’expliquer touchant la brièveté de cette lettre ; il est de toute justice que vous sachiez qu’en général Jane couvre les quatre feuilles et qu’elle croise ; aujourd’hui, tout à fait par exception, vous voyez, il n’y a que deux feuilles. Ma mère est étonnée que je puisse si bien déchiffrer les lettres de Jane ; elle dit souvent quand on ouvre la lettre : « Allons, Hetty, cette fois je crois que vous allez avoir fort à faire pour déchiffrer cette mosaïque. » N’est-ce pas maman ? Et je lui réponds que je suis bien sûre qu’elle s’arrangerait à faire ce travail elle-même si je n’étais pas là ; en effet, bien que les yeux de ma mère ne soient plus aussi bons qu’ils étaient, elle voit encore, grâce à Dieu, extraordinairement bien à l’aide de lunettes. C’est une bénédiction. Jane dit souvent lorsqu’elle est ici : « Grand’mère, vous devez avoir joui d’une excellente vue pour voir encore comme vous voyez après avoir exécuté à l’aiguille tant de travaux minutieux ; je souhaite que mes yeux me fassent un aussi long service que les vôtres. »

Mlle Bates parlait si rapidement qu’elle fut obligée de s’arrêter pour reprendre haleine et Emma en profita pour placer une observation aimable sur l’élégante écriture de Mlle Fairfax.

— Vous êtes extrêmement bienveillante, reprit Mlle Bates absolument enchantée, et si bon juge car vous écrivez vous-même si parfaitement ! aucune louange ne pourrait nous être plus sensible que celle de Mlle Woodhouse ; vous savez, ma mère est un peu… et élevant la voix elle ajouta : « Maman, entendez-vous ce que Mlle Woodhouse a l’obligeance de dire sur l’écriture de Jane ? »

Emma eut l’avantage d’entendre sa remarque