Page:Austen - Emma.djvu/141

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remerciements et les compliments de rigueur n’étaient pas absolument dépourvus d’une certaine affectation de modestie très apte à mettre en valeur le jeu impeccable de sa rivale. De plus, et c’était le point capital, Jane se montrait si froide, si réservée ! Il n’y avait pas moyen de connaître sa véritable opinion : enveloppée d’un manteau de politesse, elle se tenait sur une sorte de défensive qui autorisait tous les soupçons.

Il semblait que Jane affectât une réserve particulière au sujet de Weymouth et des Dixon ; elle était absolument impénétrable sur le caractère de M. Dixon et sur les avantages de ce mariage. Ce n’était qu’approbations vagues, sans un détail précis. Toute sa prudence ne lui servit de rien. Emma en devina l’artifice et revint à sa première idée : Qui sait si M. Dixon n’avait pas été bien près de remplacer une amie par l’autre !

La même réserve, du reste, s’étendait à tous les sujets : Jane s’était trouvée à Weymouth en même temps que M. Frank Churchill ; on apprit qu’ils avaient fait connaissance, mais il fut impossible à Emma d’obtenir un mot d’information sur le caractère du jeune homme. Était-il bien physiquement ?

— Elle croyait que l’opinion générale s’accordait à le trouver bien.

— Était-il aimable ?

— On le jugeait généralement de manières agréables.

— Est-ce qu’il paraissait intelligent, cultivé ?

— À la suite d’une fréquentation dans une ville d’eau ou de rencontres peu fréquentes à Londres, il était bien difficile de porter un jugement de ce genre. Il n’y avait guère que les manières qu’on pût se permettre d’apprécier dans ces conditions.

Emma ne pardonna pas à Jane Fairfax ces diverses réticences diplomatiques.