Page:Austen - Emma.djvu/161

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très joli garçon ; ne vous fiez pas à ma description ; il n’a probablement rien d’extraordinaire.

Pendant qu’il parlait, ses yeux brillants indiquaient, du reste, une toute autre conviction.

Emma prit un air de parfaite innocence et de complet désintéressement pour donner une réponse évasive.

— Pensez à moi demain, ma chère Emma, vers quatre heures, dit, d’une voix qui tremblait un peu, Mme Weston en quittant son amie.

— Quatre heures ! Il sera là avant trois heures, croyez-moi, rectifia vivement M. Weston en s’éloignant avec sa femme.

Emma eut l’agréable impression de renaître à la vie : le passé de découragement s’effaçait pour faire place à de nouvelles espérances ; tout revêtait un aspect différent : James et les chevaux lui semblaient avoir perdu l’air endormi ; quand elle regardait les haies elle s’attendait à voir les sureaux en fleur ; sa compagne elle-même paraissait avoir surmonté son chagrin et lui souriait tendrement.

Au bout de quelques minutes, Henriette demanda :

— M. Frank Churchill traversera-t-il Bath après Oxford ?

Cette question était d’assez mauvais augure mais bien entendu Emma ne s’attendait pas à voir Henriette retrouver immédiatement le calme ; d’autre part, il n’eût pas été raisonnable d’exiger, dès à présent une connaissance parfaite de la géographie. Il fallait s’en remettre au temps et à l’expérience des voyages.

Le lendemain, Emma n’oublia pas sa promesse et dès le matin sa pensée était occupée de l’entrevue qui attendait Mme Weston : « Ma chère amie, se disait-elle en descendant l’escalier au moment de sortir après le déjeuner, je vous vois d’ici allant et venant dans la chambre de votre hôte afin qu’il ne manque rien. Il est midi ; demain à cette heure-ci ils viendront probablement faire leur visite. »