Page:Austen - Emma.djvu/180

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de son père ; elles finissaient de dîner. M. Woodhouse contempla affectueusement sa fille et la complimenta sur sa jolie toilette ; pendant ce temps celle-ci s’efforça, en servant aux dames de grands morceaux de gâteau, d’apporter une compensation aux privations qu’elle supposait leur avoir été imposées, au nom de l’hygiène, pendant le repas.

En même temps que celle d’Emma une autre voiture s’arrêta devant la porte de M. Cole ; elle fut agréablement surprise en reconnaissant le coupé de Knightley ; ce dernier n’avait pas de chevaux à lui et faisait rarement atteler : il se plaisait à affirmer son caractère indépendant et venait la plupart du temps à pied chez ses amis.

Selon l’estimation d’Emma cette manière d’agir ne convenait en aucune façon au propriétaire de Donwell Abbey. Aussi quand M. Knightley s’approcha pour l’aider à descendre, s’empressa-t-elle de lui faire part de son approbation.

— Voilà l’équipage dans lequel il sied à un homme comme il faut de se rendre en soirée. Je vous fais mes compliments.

Il la remercia et ajouta :

— Comme c’est heureux que nous soyons arrivés au même moment ! Si nous étions, de prime-abord, rencontrés dans le salon, vous n’auriez sans doute pas remarqué que j’avais l’air particulièrement distingué, ni deviné comment j’étais venu.

— Vous vous trompez, je m’en serais certainement aperçue. Lorsque vous avez conscience d’avoir employé un moyen de locomotion non conforme à votre rang, vous affectez un air de bravade et d’indifférence. Aujourd’hui, au contraire, vous n’avez aucun effort à faire ; vous ne craignez pas que l’on suppose que vous avez honte ; vous n’avez pas besoin de redresser votre taille. Je serai fière d’entrer avec vous dans le salon.

« Vous êtes absurde ! » fut la réponse, faite sans mauvaise humeur.

(À suivre.)