Page:Austen - Emma.djvu/228

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doutable ; il faut une extrême bonne grâce à un homme pour bien s’acquitter de sa fonction. Le rôle de la femme est plus facile : elle a toujours le privilège de la timidité. Dans ce cas particulier, il convenait de tenir compte à M. Elton de la situation particulièrement délicate où il se trouvait : n’était-il pas entouré de la femme qu’il venait d’épouser, de la jeune fille qu’il avait demandée en mariage et de celle qu’on lui avait destinée ? Emma lui reconnaissait bien volontiers le droit d’être mal à l’aise et de mettre quelque affectation à ne le point paraître.

— Eh bien, Mlle Woodhouse, dit Henriette en quittant la maison, eh bien, que pensez-vous de Mme Elton ? N’est-elle pas charmante ? Emma hésita un moment et répondit :

— Oh oui, certainement, une très aimable jeune femme.

— Je la trouve très jolie.

— En tout cas elle est fort bien habillée ; elle avait une robe très élégante.

— Je ne suis pas étonnée le moins du monde qu’il en soit tombé amoureux.

— Rien n’est moins surprenant : une jolie fortune qui s’est trouvée sur son chemin.

— Certainement, reprit Henriette avec un soupir, elle doit avoir un grand attachement pour lui.

— C’est possible ; mais tous les hommes n’ont pas le bonheur d’épouser la femme qui les aime le plus. Mlle Hawkins, sans doute, désirait s’établir et elle a pensé qu’elle ne trouverait pas mieux.

— Oui, dit Henriette, elle a eu bien raison ; il est impossible d’imaginer un meilleur parti. Eh bien, je leur souhaite de tout mon cœur d’être heureux ; et maintenant, Mlle Woodhouse, je ne crois pas qu’il me sera pénible de les revoir : j’admirerais toujours M. Elton ; mais je le considérerai sous un autre jour. La pensée qu’il a fait un bon mariage me console. Heureuse créature ! Il l’a appelée Augusta. Comme c’est délicieux !

(À suivre.)