Page:Austen - Emma.djvu/244

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petite amie. Elle adressa aussitôt une invitation à Jane Fairfax ; depuis sa dernière rencontre avec M. Knightley, Emma avait éprouvé des remords ; elle se rappelait les reproches qu’il lui avait fait.

— Il a raison, dit-elle, je n’ai pas agi amicalement envers Jane Fairfax ; j’aurais dû lui témoigner de l’intérêt : il est trop tard ; elle ne pourra plus désormais s’attacher à moi ; je suis décidée néanmoins à lui faire des avances.

Toutes les invitations reçurent un accueil favorable ; mais, au dernier moment, une circonstance imprévue vint jeter le trouble dans l’ordonnance du dîner ; M. John Knightley écrivit pour annoncer son arrivée ; il amenait ses fils faire une visite promise à leur grand-père et se proposait de coucher une nuit à Hartfield. Le hasard voulut que le jour choisi par lui coïncidât précisément avec la date fixée pour le dîner ; vu ses occupations professionnelles, il ne pouvait être question de le remettre ; mais M. Woodhouse et sa fille furent contrariés ; celui-ci s’agitait à la pensée d’avoir plus de huit personnes à table et Emma, de son côté, appréhendait que M. John Knightley ne fut de fort méchante humeur de ne pouvoir venir à Hartfield pour vingt-quatre heures sans tomber sur une réception.

Emma néanmoins réussit à calmer son père en l’assurant que la présence de M. John Knightley, tout en portant à neuf le nombre des convives, n’augmenterait guère le bruit ; mais les objections personnelles d’Emma n’étaient pas aussi faciles à lever. Cette addition inattendue lui agréait fort peu ; ce serait bien entendu à M. John Knightley qu’incomberait le devoir d’occuper la place de M. Woodhouse et au lieu de l’aimable physionomie de M. Knightley elle aurait en face d’elle à dîner le visage grave de son beau-frère.

Par la suite les événements prirent une tournure plus favorable ; M. John Knightley arriva, mais M. Weston fut inopinément appelé à Londres le jour du dîner. Le nombre des convives se trouva donc réduit à celui du début. La bonne humeur de son père, la présence de ses petits neveux et surtout la résignation philosophique