Page:Austen - Emma.djvu/246

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— Ah ! Vous ne parlez pas sérieusement. Je connais trop bien M. John Knightley et je suis sûre qu’il sait apprécier la valeur de l’amitié. D’autre part si les lettres ont peu d’intérêt pour vous, ce n’est pas à la différence de nos âges mais bien à celle de nos situations qu’il faut attribuer la divergence de nos opinions ; tous ceux que vous aimez sont continuellement à votre portée ; moi au contraire je serai sans doute appelée à vivre au milieu d’étrangers ; j’ai donc toutes les raisons du monde de supposer que je prendrai longtemps encore, avec plaisir, le chemin du bureau de poste.

— En faisant allusion au changement probable de vos idées sur ce point particulier, j’escomptais les modifications que l’avenir, doit apporter à votre position sociale. Dans dix ans – permettez à un vieil ami de parler en toute liberté — vous aurez près de vous des êtres sur lesquels vous concentrerez vos affections.

Jane Fairfax répondit par un aimable merci et s’efforça de prendre la prophétie en riant, mais le tremblement de ses lèvres et ses yeux humides trahissaient son émotion. À ce moment M. Woodhouse s’approcha d’elle après avoir, selon son habitude, fait le tour du salon.

— Je suis fâché d’apprendre, dit-il, Mlle Fairfax, que vous êtes sortie ce matin par la pluie. Les jeunes filles sont des plantes délicates : elles doivent avoir soin de leur santé et de leur teint. Ma chère, avez-vous changé vos bas ?

— Oui, Monsieur, immédiatement. Je vous suis très reconnaissante de votre aimable sollicitude.

— Ma chère Mlle Fairfax, comment ne prendrait-on intérêt à une aussi gracieuse personne ? J’espère que votre excellente grand’mère et votre tante vont bien ; ce sont de très vieilles amies à moi. Je regrette que mon état de santé ne me permette pas de me montrer un meilleur voisin. Vous nous faites un grand honneur aujourd’hui ; ma fille et moi, sommes tous deux très heureux de vous voir à Hartfield.


(À suivre.)