Page:Austen - Emma.djvu/303

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une approbation plus modérée. M. Knightley dit gravement :

— D’après ce début, je comprends le genre d’esprit qu’il faut déployer. M. Weston s’en est bien tiré, mais il nous a tous mis hors de combat : la perfection n’aurait pas dû arriver du premier coup !

— Pour ma part, je demande à être excusée, dit Mme Elton, je n’ai pas de goût pour ce genre d’improvisation. Je me rappelle avoir reçu un acrostiche sur mon nom et je n’y ai trouvé nul plaisir ; j’en connaissais l’auteur : un abominable fat ! Vous savez qui je veux dire ? ajouta-t-elle en faisant un signe d’intelligence à son mari. Ce genre de divertissement peut être amusant à l’époque de Noël, quand on est assis, autour du feu, mais me paraît tout à fait déplacé pendant les excursions d’été. Je ne suis pas de celles qui peuvent avoir de l’esprit sur commande. Je ne manque pas de vivacité, à ma façon, mais je désire choisir mon moment pour parler ou me taire. Veuillez donc me passer, Monsieur Churchill, passez aussi M. Elton et Jane.

— Oui, je vous en prie, laissez-moi de côté, confirma M. Elton d’un air piqué, je n’ai rien à dire qui puisse intéresser Mlle Woodhouse ou les jeunes filles en général : un vieux mari ! absolument bon à rien ! Voulez-vous que nous marchions, Augusta ?

— Volontiers ; nous avons fini de manger depuis longtemps et ce n’est pas en restant assis à la même place que nous pourrons nous former une idée des différents points de vue. Venez, Jane, prenez mon autre bras.

Mlle Fairfax déclina l’invitation et le mari et la femme partirent seuls.

— Heureux couple ! dit Frank Churchill, et si bien assorti. Ils ont eu d’autant plus de chance que leur connaissance, avant le mariage, s’est réduite à une courte fréquentation à Bath. Leur cas est exceptionnel, car il est impossible de porter un jugement motivé sur une personne pendant un séjour dans une ville d’eau ; il faut avoir vu une femme dans son propre milieu,