Page:Austen - Emma.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont anxieux d’assurer son bonheur. Il s’est mal comporté avec tous, et tout le monde est enchanté de lui pardonner. En vérité, c’est un homme chanceux.

— Vous parlez comme si vous lui portiez envie ?

— En effet, Emma, à un certain point de vue, je l’envie !

Emma eut impression que M. Knightley se disposait à faire allusion à Henriette et dans l’espoir d’éviter ce sujet elle ne fit aucun commentaire touchant cet aveu : elle se préparait à réclamer des détails sur les enfants d’Isabelle, mais M. Knightley ne lui en laissa pas le temps et il reprit :

— Vous êtes décidée, je vois, à ne témoigner aucune curiosité, à ne pas m’interroger : vous êtes sage, mais je ne puis pas l’être. Je vais vous avouer, Emma, ce que vous ne voulez pas me demander, et peut-être dans un instant regretterai-je d’avoir parlé ?

— Oh ! dans ce cas, ne dites rien, répondit-elle vivement. Prenez votre temps pour réfléchir ; ne vous compromettez pas.

— Merci, répondit-il d’un ton gravement offensé et il se tut.

Emma ne pouvait supporter l’idée de faire souffrir M. Knightley ; celui-ci désirait évidemment se confier à elle, peut-être la consulter : quoiqu’il lui en coutât, elle l’écouterait et l’aiderait, le cas échéant à prendre une décision dans un sens ou dans l’autre.

— Vous rentrez, je suppose, dit-il d’un air accablé.

— Non, reprit Emma, j’aimerais bien marcher encore un peu : M. Perry n’est pas parti. Après avoir fait quelques pas, elle ajouta : « Je vous ai arrêté à l’instant, d’une manière un peu brusque, M. Knightley, j’ai peur de vous avoir froissé. Si vous avez le désir de me parler franchement, comme à une amie, ou de me demander mon avis sur un projet, vous pouvez disposer de moi. Je vous donnerai mon opinion sincère.

— Comme à une amie ? reprit M. Knightley, non, je n’en ai pas le désir. Attendez… j’ai été