Page:Austen - Emma.djvu/352

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Hill : si vous aviez été témoin de mon attitude ce jour-là, je crains que vous n’eussiez toujours conservé de moi une mauvaise opinion. Je n’avais pas prévu les conséquences de mon départ ; aussitôt qu’elle l’eut appris, elle accepta l’offre qui lui était faite par l’entremise de cette officieuse Mme Elton. À ce propos, je dois vous dire combien j’ai été indigné de toutes les libertés que cette dame s’est permises à l’égard de Mlle Fairfax. Je suis forcé de me montrer modéré, après avoir rencontré moi-même tant d’indulgence, sinon je ne ferais pas preuve de tant de patience. Elle l’appelait « Jane ». Est-ce possible ! Vous remarquerez que je ne me suis pas permis de lui donner ce nom même devant vous ; vous pouvez, en conséquence, juger de ce que j’ai dû souffrir en l’entendant prononcer par les Elton. Cette familiarité aggravée encore par le sentiment d’une supériorité imaginaire, constituait pour moi une véritable torture. Mlle Fairfax, après avoir disposé d’elle-même, résolut de rompre avec moi ; elle m’écrivit le lendemain que nous ne devions plus nous revoir. « Notre engagement, me disait-elle, est une source de regret et de tourments pour nous deux ; en conséquence je vous rends votre liberté ». Cette lettre m’arriva le jour même de la mort de ma pauvre tante. J’y répondis sur l’heure, mais par suite d’une confusion consécutive à la multiplicité des charges qui m’incombaient, ma réponse, au lieu d’être envoyée avec les nombreuses lettres de ce soir là, fut oubliée par mégarde dans mon bureau. Pensant avoir écrit suffisamment, vu les circonstances, pour la satisfaire, je