Page:Austen - Emma.djvu/6

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genre de satisfaction que vous devez éprouver ! J’espère que tout s’est passé aussi bien que possible. Comment vous êtes-vous comportés ? Qui est-ce qui a versé le plus de larmes ?

— Ah ! pauvre Mademoiselle Taylor ! C’est une triste affaire.

— Dites plutôt : pauvres M. et Mlle Woodhouse. J’ai beaucoup de considération pour vous et pour Emma, mais j’estime l’indépendance le premier des biens ! De toute façon, il vaut mieux avoir une seule personne à contenter au lieu de deux.

— Surtout lorsqu’une de ces personnes est un être aussi capricieux et exigeant ! dit Emma d’un ton ironique. Voilà votre pensée de derrière la tête, je le sais ; voilà ce que vous diriez-si mon père n’était pas là.

— En effet, ma chère, dit M. Woodhouse en soupirant ; j’ai bien peur d’être parfois très capricieux et exigeant.

— Mais, mon cher papa, vous ne supposez pas que je faisais allusion à vous ou que M. Knightley avait cette intention ? Quelle horrible idée ! Oh non ! C’est de moi qu’il s’agissait. M. Knightley aime à me taquiner.

— Emma sait que je ne la flatte jamais, dit M. Knightley. Mais en l’occurrence je ne songeais pas à la critiquer.

— Allons, dit Emma toute disposée à ne pas insister, je vois que vous voulez avoir des nouvelles du mariage ; je serai heureuse de vous en donner, car nous nous sommes tous comportés d’une façon charmante : pas une larme ; c’est à peine si on voyait un visage défait. Nous avions conscience que nous allions vivre à une demi-lieue les uns des autres.

— Ma chère Emma est si courageuse, dit M. Woodhouse, mais en réalité, M. Knightley, elle est très affectée.

Emma détourna la tête, souriant et pleurant à la fois.


(À suivre)