Page:Austen - Emma.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mlle Bates, à propos de Jeanne Fairfax ; le son seul de ce nom est devenu pour moi une fatigue. Chacune de ses lettres est lue et relue au moins quarante fois, les compliments destinés à ses amis sont transmis indéfiniment ; si elle envoie à sa tante le modèle d’une ceinture ou qu’elle tricote une paire de jarretières pour sa grand’mère on n’entend plus parler d’autre chose pendant un mois. Je souhaite tout le bonheur possible à Jane Fairfax, mais elle m’ennuie à mourir.

Elles approchaient maintenant du but de leur promenade et leur entretien prit une autre tournure. Emma était très charitable ; les pauvres trouvaient toujours auprès d’elle non seulement l’assistance pécuniaire mais encore le réconfort de son attention, de ses conseils et de sa patience. Elle comprenait leur manière d’être, excusait leur ignorance, compatissait à leurs tentations et ne s’attendait pas à trouver chez eux des vertus extraordinaires. Elle prenait part à leur chagrin et leur venait toujours en aide avec intelligence et bonne volonté. Dans ce cas particulier, sa visite avait pour but non seulement de distribuer des secours à des indigents, mais encore de porter remède aux souffrances d’un malade. Elle quitta la maison, impressionnée à la vue de tant de misère. Une fois dehors, elle dit :

— Voilà des spectacles, Harriet, qui vous font du bien. Comme tout paraît insignifiant à côté ! Il me semble que je ne pourrai plus détacher mon esprit de ces pauvres créatures tout le reste de la journée.

— Vous dites vrai, répondit Harriet, pauvres créatures !

Emma referma la barrière placée à l’extrémité du sentier qui traversait le petit jardin.

Emma jeta un dernier coup d’œil sur l’aspect minable du lieu et évoqua la misère qu’il recelait. Elles se retrouvèrent sur la route qui, à cet endroit tournait brusquement et une fois la courbe franchie les deux jeunes filles aperçurent soudain M. Elton qui venait vers elles : il