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PLUS D’OISEAUX


POUR MON ANNIVERSAIRE


Air : Ainsi jadis un grand prophète.


Je cultivais un coin de terre
Dont les ombrages m’enchantaient.
Là, quand je rimais solitaire,
Dans mes vers mille oiseaux chantaient.
Me voilà vieux ; plus rien n’éveille
Ces bosquets jadis si peuplés.
En vain l’écho prête l’oreille :
Tous les oiseaux sont envolés.

Quel est, dites-vous, ce domaine ?
Eh ! mes amis, c’est la chanson,
Où mon vieil esprit, hors d’haleine,
Court battre en vain chaque buisson.
De mes ans sur l’enclos modeste
Les frimas sont accumulés ;
Pas un roitelet ne me reste.
Tous les oiseaux sont envolés.

Que le riche été se couronne
Des épis que nous attendons ;
Qu’à nos yeux rougisse l’automne :
Plus d’oiseaux pour chanter leurs dons.
En vain le printemps ressuscite
Les fleurs sur nos bords consolés ;
Lorsqu’à chanter l’amour invite,
Tous les oiseaux sont envolés.

C’est mon hiver qui les effraye ;
Ils ne reviendront plus au nid.
J’en juge aux vers que je bégaye
Quand l’amitié nous réunit.
Antier, toi que mieux elle inspire,
Chante nos beaux jours écoulés ;
Trompe l’écho prêt à redire :
Tous les oiseaux sont envolés.