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LES BÉNÉDICTIONS


Air : Échos des bois, errants dans ces vallons.


Certains mortels ont le don de répandre
Bonheur et joie où se portent leurs pas.
Au temps passé l’on ne s’y trompait pas,
Témoin ces mots qu’enfant j’ai pu comprendre :

Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.

bis.


Or ce vieillard sortait-il de son chaume,
Le rencontrer était présage heureux.
Oui, répétaient les villageois entre eux,
Il suffirait à bénir un royaume.
Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.

On l’invoquait à chaque catastrophe,
Aux cœurs en peine il semblait un sauveur.
Maint hobereau le traitait de rêveur,
Et le curé l’appelait philosophe.
Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.

Chacun de lui nous contait des merveilles,
Disant : Il sait légendes et chansons.
Courez, enfants, à ses douces leçons,
Comme à sa voix reviennent les abeilles.
Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.

Il a passé tout près de ces charmilles,
Disait la mère : aussi, combien de fleurs !
C’est grâce à lui que de riches couleurs
Va s’émailler le corset de nos filles.
Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.

Quand le ciel brûle, aux travailleurs en nage
Court-il aider, glaneuse et moissonneur
De dire alors : Il nous vient du bonheur ;
Sur le soleil Dieu déploie un nuage.
Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.

D’un si doux charme il ignorait les causes.
Sans croire en soi, l’homme que Dieu bénit
Passe, et l’oiselle est tranquille en son nid ;
Passe, et vers lui monte l’encens des roses.
Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.

Nous n’avons plus cette foi qu’on envie.
Qu’importe, enfants. Survient-il un vieillard,
S’il vous sourit, s’il vous suit du regard,
Inclinez-vous : il bénit votre vie.
Ô bon vieillard, chez nous daignez venir ;
Béni de Dieu, venez tous nous bénir.