Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/111

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le têms de vacquer à son aise aux mathématiques. Et il se fit trésorier de France en la généralité d’Amiens, seulement pour avoir un titre, ayant du bien d’ailleurs trés-considérablement. M Descartes trouva dans ce nouvel ami je ne sçai quoi, qui luy revenoit extrémement, soit pour l’humeur, soit pour le caractére d’esprit. Ce qui les unit si étroitement ensemble, qu’il n’y eut que la mort de M Mydorge qui pût interrompre le commerce de leur amitié.

Ce fut aussi vers ce même tems qu’il retrouva à Paris Marin Mersenne, mais dans un extérieur fort différent de celuy sous lequel il l’avoit connu à La Fléche.

Mersenne au sortir des écoles de Sorbonne étoit entré chez les minimes, dont il avoit reçu l’habit le dix-septiéme de juillet de l’an 1611 dans le couvent de Nigeon prés de Paris, et avoit fait profession un an aprés dans un couvent de Brie prés de Meaux. De là il étoit venu demeurer à Paris, où il fut ordonné prêtre six mois aprés que M Descartes fût arrivé en cette ville. Le renouvellement de cette connoissance fut d’autant plus agréable au Pére Mersenne, que M Descartes se trouvoit moins éloigné de sa portée, que quand il l’avoit vû petit garçon dans le collége. D’un autre côté la rencontre fut utile et avantageuse à M Descartes, puisqu’elle ne contribua pas peu à le détacher des habitudes qu’il avoit au jeu et aux autres passe-tems inutiles, par les visites mutuelles qu’ils se rendirent.

Ils commençoient à goûter les douceurs de leurs innocentes habitudes, et à s’entre-soulager dans la recherche de la vérité, lorsqu’il vint au P Mersenne vers la toussaints ou la Saint-Martin de l’an 1614 une obédience de la part de son provincial, pour aller demeurer à Nevers. C’étoit pour y enseigner la philosophie aux jeunes religieux de son ordre, et il fallut partir vers l’avent, afin de se trouver en état de commençer les leçons en 1615.

Cette séparation toucha M Descartes assez vivement.

Mais au lieu de luy donner la pensée de retourner à ses divertissemens et à son oisiveté, elle le fit encore mieux rentrer en luy-même, que la présence de son vertueux ami, et luy inspira la résolution de se retirer du grand monde, et de renoncer même à ses compagnies ordinaires, pour se remettre à l’étude