Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/115

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ontinuëls.

L’armée étoit répanduë dans les places frontiéres, et particuliérement dans le territoire et la ville de Bréda, qui étoit considérée comme un bien propre à la maison De Nassau, quoi qu’elle fût incorporée à la république des provinces. Le prince Maurice âgé pour lors de cinquante ans étoit reconnu par toute l’Europe pour un grand capitaine. Il étoit prudent, vaillant, et infatigable au travail. On ne luy donnoit point d’égal dans l’art d’assiéger, ou de sécourir une place ; de fortifier un camp ; de surprendre l’ennemi ; d’observer la discipline parmi les troupes. Mais sur tout il possédoit bien les mathématiques ; aimoit les mathématiciens et les ingénieurs ; entendoit parfaitement les fortifications ; et avoit déja inventé plusieurs machines, pour passer les riviéres et assiéger les villes.

Il se peut faire que ces derniéres qualitez aient attiré particuliérement M Descartes auprés de ce prince. Mais il faut avoüer que son dessein n’étoit pas de devenir grand guerrier à son école, quoy qu’il eût cherché cette occasion pour apprendre le métier de la guerre sous luy. En se déterminant à porter les armes, il prit la résolution de ne se rencontrer nulle part comme acteur, mais de se trouver par tout comme spectateur des rôles qui se joüent dans toutes sortes d’etats sur le grand theâtre de ce monde. Il ne s’étoit fait soldat que pour étudier les mœurs différentes des hommes plus au naturel : et pour tâcher de se mettre à l’épreuve de tous les accidens de la vie. Afin de n’être gêné par aucune force supérieure, il renonça d’abord à toute charge, et s’entretint toûjours à ses dépens.

Mais pour garder la forme, il fallut recevoir au moins une fois la paye : comme nous voyons que les pélerins aisez et accommodez d’ailleurs se croyent obligez en partant pour leur pélérinage, de demander au moins une fois l’aumône, pour ne pas laisser périr la coûtume qui veut que l’on prenne la posture de suppliant et de mendiant. Il eut la curiosité de conserver cette solde pendant toute sa vie comme un témoignage de sa milice.

Il témoigne qu’il aimoit véritablement la guerre à cét âge : mais il prétend que cette inclination n’étoit que l’éffet d’une chaleur de foye, qui s’étant appaisée dans la suite des tems, a fait tomber aussi cette inclination. Comme elle n’é